Immigration, identité nationale et asile

novembre 28th, 2009 Commentaires fermés

Dans ce billet, un peu de politique avec ma faible contribution au débat sur l’identité nationale, et un peu de droit puisque je relaye un billet de Maître Eolas que tout citoyen averti doit avoir lu.

Immigration et identité nationale

Incontestablement, les Etats-Unis sont un pays d’immigration: c’est évident dans l’histoire du pays, c’est évident dans sa réalité d’aujourd’hui ; on pourrait dire la même chose de la France. La différence réside dans le fait qu’aux Etats-Unis, la nation est tellement jeune, l’immigration tellement courante, tellement ancrée dans l’histoire familiale de chacun, que les origines étrangères des Américains ne font quasiment aucun doute. En France, beaucoup se croient Français de souche et ont du mal à visualiser les mélanges dont ils sont de lointains descendants.

Le côté dérangeant du débat national sur l’identité nationale, c’est qu’il n’est pas lancé par le ministère de la Culture par exemple, mais par celui de l’immigration et de l’identité nationale, et qu’il semble donc vouloir jouer sur cette distinction infondée entre Français de souche et Français issus de l’immigration. Éric Besson, vu son récent retournement idéologique et son nouveau statut d’expulseur de masse, incarne bien le flou de ce débat, mais le principal responsable de « notre » malaise vient de Nicolas Sarkozy lui-même, qui a été le premier à mêler -on ne sait trop selon quelle logique- l’Immigration et l’Identité nationale dans un même ministère. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il n’est pas inutile de taper sur Besson, mais qu’il faut garder des forces et des arguments pour le vrai décideur, notre Président.

Sur le fond du débat, je dois bien avouer que je ne sais pas ce que c’est qu’être Français. J’aimerais que ça soit l’appartenance à une communauté de valeurs, Liberté, Égalité, Fraternité ou quelque chose de proche, mais je ne suis pas sûr qu’une seule de ces notions qualifie bien la France actuelle. J’aimerais que ça soit une communauté de destins , d’aspirations, mais je n’ai pas le sentiment que les Français dégagent beaucoup de consensus sur l’orientation politique à donner au pays. Donc, je ne sais pas ce que c’est qu’être Français. Après tout, il n’y a peut-être pas d’identité française, ou elle est tellement ancrée en moi que je ne sais pas la décrire. Ce qui m’intéresserait beaucoup plus, ce serait qu’on essaie de trouver dans les 27 une identité européenne, mais ce débat-là, Sarkozy et Besson s’en foutent tant il est inutile (voire contre-productif) électoralement.

Il y a par contre quelque chose de plaisant dans ce débat sur l’identité nationale: les nouveaux Français, ceux qui viennent d’être naturalisés, ont plus de choses à dire que les autres, que moi en tout cas. Si ça vous intéresse, Le Monde leur a consacré un article pour qu’ils témoignent sur ce qu’est la France et pourquoi ils veulent en être.

Immigration et asile

Contrairement à ce que disait récemment Éric Besson, la France n’est pas première au monde en terme d’accueil de réfugiés, mais troisième derrière les Etats-Unis et le Canada (c’est déjà pas mal donc pas la peine de mentir). La bonne nouvelle, c’est que la France est toujours une des destinations favorites des demandeurs d’asile, preuve que notre pays est encore perçu à l’étranger comme une terre de liberté où il fait bon vivre (et dans l’ensemble, honnêtement, ils ont raison).

En France, c’est l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides) qui évalue les dossiers des candidats au statut de réfugié -un statut qui régularise leur situation en France et les protège de toute expulsion vers leur pays d’origine. Pour évaluer les dossiers et prendre une décision juste, éclairée, il faut du temps (rencontrer un par un les demandeurs d’asile pour comprendre leur situation, voir s’ils sont sincères, etc.) et des moyens. Malheureusement, l’OFPRA a de plus en plus de difficultés à bien faire son travail et a donc mis en place des méthodes pour accélérer le traitement des demandes. Parmi ces méthodes, la « liste des pays sûrs », qui répertorie des pays qui réunissent des conditions (justice, protection, etc.) que le conseil d’administration de l’OFPRA juge suffisantes pour y renvoyer des ressortissants sans les mettre en danger. Quand un pays est sur cette liste, les ressortissants n’ont plus le droit d’asile -c’est-à-dire qu’ils ne sont plus protégés en attendant que l’OFPRA accepte ou rejette leur candidature au statut de réfugié, ils peuvent être renvoyés dans leur pays sans ménagement, ne bénéficient pas de l’aide aux demandeurs d’asiles (300 euros par mois) et l’OFPRA n’a pas à les rencontrer individuellement avant de rendre sa décision. Bref, quand un pays est sur la liste des pays sûrs, ses ressortissants demandeurs d’asile ont très peu de chances d’obtenir le statut de réfugié en France et vivent de façon ultra-précaire (financièrement et légalement) en attendant la décision de l’OFPRA.

L’ennui, c’est qu’à cette liste des pays sûrs vient d’être ajoutée la Turquie, pays fort respectable mais qui a quelques problèmes avec certains opposants politiques au point que l’an dernier, la France a accepté le statut de réfugié à 700 turcs. Un pays qui « produit » 700 réfugiés en 2008 rien qu’en France, est-ce un pays sûr ? Le conseil d’administration de l’OFPRA répond oui ; Maître Eolas répond non (billet à lire) et espère que le Conseil d’Etat contredira l’OFPRA.

C’est tout pour aujourd’hui. A bientôt.

PS: oui, la dinde de Thanksgiving était bonne, excellente même.

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